Je ne le répéterai jamais assez: j’aime bien le Tour de France.
Je n’ai pas dit: j’aime, juste: j’aime bien.
Je ne connais rien au cyclisme, je ne le pratique pas, je ne comprends rien aux subtilités stratégiques des équipes, mais je ne déteste pas passer un bout d’après-midi sur un bord de route, au milieu de passionnés, à profiter d’un spectacle assez distrayant avec la certitude de ne pas me faire fouiller, par un service d'ordre, assommer par les hurlements du public, ou bousculer par une bande de hooligans. A part les coups de soleil et l’abus de rosé bien frais, le Tour, c’est plutôt sans risques.
Sauf pour le contribuable qui, qu’il aime ou déteste le sport sur deux roues, doit passer l’éponge sur une ardoise qui affronterait avec difficulté le contrôle anti-dopage: réfection de chaussées en bon état, budgets de communication pharaoniques, mobilisation des services municipaux à polir l’asphalte de la ligne d’arrivée alors que certaines rues attendent des ralentisseurs depuis des années, subventions diverses aux associations militant pour la médiatisation de l’évènement...comme la pâte de certains gâteaux à apéritif distribués par la caravane publicitaire, la facture s’annonce salée.
Pour faire passer la pilule, tout a été misé sur le rayonnement médiatique promis pour éclairer et réchauffer une région en panne de projets et d’investissements. Diffusées dans le monde entier, les images du Tour seraient censées produire sur les touristes et les capitaux extérieurs le même effet que l’aimant sur la limaille de fer. Le Boischaut deviendrait, le temps d’une étape, la IXe merveille du monde. Pour le coup, ça vaut peut-être la peine de cracher au bassinet.
Premier bémol: depuis les années 2000, le Tour a déjà fait étape deux ou trois fois par ici, mais la ruée vers la cité de l’or annoncée ne s’est jamais produite et pourtant, la couverture aérienne avait été copieuse. L’hélicoptère de la télévision avait longuement survolé le Saint-amandois, donné des détails sur certains sites remarquables...s’agissant d’étapes de contre-la-montre, la retransmission de l’épreuve avait été assurée sans précipitation.
Cette année, et j’ai eu beau revoir l’enregistrement de l’étape et de la première heure qui a suivi l’arrivée, les commentaires et images ont été réduits à la portion congrue. Les quelques beaux monuments survolés n’ont pas été cités (châteaux de la Commanderie et de Meillant, abbaye de Noirlac), aucun plan correct de Saint-Amand (sauf pour afficher les tableaux de classement), même la célèbrissime Pyramide de l’or semblait posée bêtement au milieu de l’écran, comme le pion d’un jeu d’échec dont un des protagonistes est complètement dominé par son adversaire. Comme la télévision publique française a le monopole de la retransmission du Tour et vend ses images aux médias étrangers, de la glorieuse République populaire de Chine (de gros investisseurs, ces gens là...) aux non moins glorieuses Australie ou Californie, ce sont des séquences étriquées et anonymes qui auront donné envie aux entrepreneurs de tous pays et de tout poil de venir poser des chèques sur le comptoir des banques locales, n’en doutons pas!
Quand aux centaines de milliers d’euros, voire pire, engloutis dans cette aventure, je vous laisse deviner à la charge de qui leur remboursement va incomber...
© Olivier Trotignon 2013