J’ai l’honneur de vous présenter trois produits de mon potager, que vous ne trouverez jamais dans une grande surface. La raison? Ils sont illégaux.
M’embastillera t-on un jour pour cela?
Ça m’étonnerais, mais, de par la Loi européenne, je cultive des espèces non conformes au très officiel catalogue européen des semences, que Bruxelles, inspiré par les conseils avisés des grands semenciers internationaux, a rédigé, pour empêcher que prolifèrent dans nos jardins ces légumes économiquement dangereux.
Que leur reproche t-on, pour leur faire porter le carcan de la prohibition?
Ils ont du goût, ils se conservent bien, ils sont sobres et rustiques (peu d’eau, aucun produit chimique), ils sont vivants (leurs graines peuvent être semées), bref, rien à voir avec leurs tristes et fades copies qu’on trouve sur les étals des grandes surfaces.
D’où sortent-ils?
Certains sont cultivés par des communautés aborigènes depuis des milliers d’années, comme le prouve l’archéologie. D’autres étaient des petits légumes de proximité, comme ce cornichon blanc crème qu’on retrouvait sur les tables de tous les bistrots parisiens. Ils ont voyagé dans les cales des explorateurs portugais de la Renaissance, ont été protégés par des agronomes visionnaires, ou ont tout simplement été donnés entre deux verres de blanc-limonade, à la terrasse d’un café d’un quartier maraîcher. Rien, mais rien à voir avec ces hybrides de chanvre ou ces pavots à opium qui alimentent les trafics, mais pénalement, ils ont presque le même statut.
Je ne connaissais pas bien la question jusqu’à ma première rencontre avec les militants de l’association Kokopelli, honnie, diffamée et traînée en justice par un grand semencier à qui je ne ferai pas l’honneur d’un seul mot de publicité en citant son nom, mais toujours debout. Ces militants ne sont pas dans la communication ampoulée et gentiment consensuelle: ils défendent leurs principes sans concession, et offrent à des petits bricoleurs de jardin comme moi l’opportunité de semer des plantes qui tiennent autant de la curiosité végétale que de l’aubaine pour cuisiniers.
Que ce billet soit une invitation à découvrir leurs valeurs et leurs semences.
Au fait, il s’agit de concombres, sur la photo...
© Olivier Trotignon 2013