Comme un célèbre reptile antédiluvien censé hanter les eaux d'un loch écossais, la question du souterrain-refuge de la Celette émerge parfois dans les conversations. En l'absence totale d'indices sur le terrain, j'ai recherché la relation de la découverte de cette cavité artificielle pour me faire une opinion sur le sujet.
Il faut rechercher dans le rapport d'activité de la Commission historique du département du Cher, daté de 1851. On y trouve consignées les pièces produites pour l'expertise de l'ensemble, en particulier les observations de l'abbé Bérard, qui livre une description détaillée de la cavité et produit un plan relevé in situ.
De toute évidence, ce souterrain a bien existé. La trace de coups de pics, sa géométrie organisée prouvent que les ouvriers qui ont mis au jour complètement par hasard un puits d'entrée n'ont pas ouvert une grotte naturelle, mais, d'une étendue d'une douzaine de mètres, elle n'avait pas les dimensions exagérées qu'on lui prête parfois.
Dès l'annonce de son ouverture, ce sont les savants locaux qui ont été les premiers sur place, un médecin de Saint-Amand et le curé de La Celette. Les berruyers ne se sont pas déplacés, et ont raisonné avec les éléments qu'on leur avait communiqués. Cette distance avec l'événement, même si le rapport d'exploration était particulièrement soigné, mais surtout l'environnement intellectuel et culturel très particulier de cette période ont orienté les conclusions de ces éminents lettrés dans un sens qui perturbe encore aujourd'hui l'objectivité de ce dossier.
On note par exemple que l'hypothèse la plus probable, d'une marnière sans doute assez récente, est rejetée d'un trait de plume. Cette thèse raisonnable ne s'accommode pas avec la culture savante imprégnée de littérature antique. La fosse a beau être creusée dans la marne pure, aucun vestige n'est relevé sur le sol, les prétendues tombes sont vides, La Celette est une minuscule bourgade autour de laquelle on ne trouve presque aucune trace d'occupation humaine, le texte parle d'emblée de souterrain-refuge, emploie le mot crypte et produit comme pièce justificative un plan dessiné à la règle et au compas, qui donne au tracé de l'excavation une régularité démentie par la description elle-même.
Toutes les interprétations en accord avec la mode du temps sont proposées. Le prêtre voit une nécropole monastique, les savants de Bourges une création du peuple Biturige de l'époque de la conquête de la Gaule, s'appuyant sur l'autorité des récits de César pour avoir le dernier mot.
Nous sommes en 2012. La pratique de l'Histoire et de l'Archéologie ont fait des progrès abyssaux depuis. N'allons surtout pas ironiser sur l'esprit qui animait nos prédécesseurs, ces gens étaient dans la logique de leur temps. Simplement, si le souterrain existe encore, n'a pas été transformé en citerne à lisier et réapparaît un jour, il est plus que probable que les chercheurs n'y trouveront que les vestiges d'une marnière, qui n'est sans doute pas unique en son genre dans le secteur, ouverte pour amender les champs.
© Olivier Trotignon 2012