Il y a deux ans, j'avais écrit quelques lignes dans ce blog à propos des boulets de canons trouvés lors des terrassements et des fouilles sur la butte du château de Montrond, dans le Cher. Cherchant sur un tout autre sujet, j'ai eu la chance d'isoler un texte tout à fait intéressant ayant un rapport direct avec l'artillerie employée lors du siège de 1651-52.
Il s'agit d'une lettre datée du 20 juillet envoyée par Le Tellier, secrétaire d'état à la Guerre de Louis XIV, au cardinal Mazarin. Le ministre annonce la prochaine arrivée à Compiègne d'un bateau chargé de neuf canons de batterie, deux bâtardes, quatre couleuvrines moyennes, un faucon et deux affûts de canon, le tout venu de Montrond.
La date ne laisse aucun doute sur les circonstances: Turenne, qui se prépare à livrer bataille en Artois contre les troupes espagnoles commandées par le prince de Condé, rassemble en vue de l'affrontement, toute l'artillerie disponible. On peut donc admettre qu'il était resté à Montrond des canons en bon état, qu'on a été cherché on ne sait comment pour les amener jusqu'à la Seine avant de les charger sur une embarcation remontant l'Oise jusqu'à Compiègne. L'ironie de l'histoire veut que les pièces à l'origine en batterie derrière les fortifications condéennes aient été retournées deux ans après contre les troupes de l'ancien propriétaire du château de Montrond.
Les quatre calibres cités: un canon et trois modèles de couleuvrines (moyenne, bâtarde, faucon) sont universels dans les armées de l'époque et sont bien connus des historiens militaires. Le seul problème que je n'ai pas réussi à résoudre est le poids des munitions annoncées, qui correspondent mal aux modèles locaux que j'avais mesurés. Seul le plus petit des boulets que je connaît pourrait avoir été moulé pour le faucon. Les autres s'écartent de plusieurs kilos des poids annoncés. Il faudrait l'avis d'un expert en métallurgie ancienne pour savoir si la qualité des fontes et leur densité pouvaient varier d'une fonderie à l'autre, ce qui expliquerait les différences entre la théorie et la réalité.
Je ne sais pas s'il y a quelque orgueil à en tirer, mais il semblerait que des canons saint-amandois aient servi au roi Louis XIV à gagner la première bataille de son règne...
© Olivier Trotignon 2013