nucleus type "livre de beurre", origine Grand Pressigny (37)
Au nombre des rumeurs rencontrées par tous les préhistoriens régionaux au cours de leur exercice, celle de la découverte de nuclei type “livres de beurre pressigniennes” dans le nord du Bourbonnais est une des plus récurrentes.
Au XIXe siècle aurait été publié un rapport -je n’ai pas pu le situer dans la bibliographie savante- faisant part de la découverte dans la vallée de l’Aumance (rivière affluente du Cher) de livres de beurre en silex de Touraine similaires à ce que les préhistoriens découvraient en grande quantité dans les labours autour du Grand-Pressigny, en Indre-et-Loire. Cette affirmation, relayée par des découvertes d’objets en silex pressignien sur des sites de surface et dans les alluvions de la rivière, a poussé certains amateurs d’antiquité à affirmer l’existence d’ateliers de taille de la fin du néolithique aux portes de l’Auvergne.
A ce jour, rien, à ma connaissance, ne permet de valider cette thèse, qu’on ne peut pas non plus infirmer d’un revers de manche sans avoir examiné quelques éléments objectifs.
Les arguments en faveur de la présence de livres de beurre
Ces objets, introuvables, peuvent avoir été dispersés et sont désormais méconnaissables tant le nombre de silex ramassés dans les champs autour du Grand-Pressigny est grand dans les collections publiques et privées. Des éclats d’amorçage de livres de beurre, caractéristiques de la taille pressignienne, ont été découverts sur les bords du Cher et en forêt de Tronçais. Ces déchets de taille ne pouvant avoir aucune utilité dans un campement néolithique, il n’y a aucune raison que l’on se soit encombré de ceux-ci sur presque deux cents kilomètres de pistes. Sur place, au Pressigny, des lames de silex bien plus fonctionnelles étaient disponibles en quantité infinie. Il était plus sûr d’importer de la matière brute et de la façonner sur place, en fonction des besoins des agriculteurs locaux. Les nuclei bourbonnais étaient peut-être des reliefs d’ateliers itinérants.
Les arguments contre
Si ces objets sont introuvables, c’est qu’ils n’ont jamais existé. Leur éventuelle existence peut-être le fruit d’une supercherie, chacun à l’époque essayant de faire parler de sa préhistoire locale, y compris à l’insu du chercheur ayant signalé ces pièces.
Les éclats d’amorçage, bien réels, peuvent avoir eu un intérêt qu’on n’imagine pas aujourd’hui, et avoir été importés de Touraine avec des lames travaillées. La région étant très pauvre en matières premières exploitables pour la production d’outils à base lithique, toutes les civilisations ayant travaillé la pierre depuis le moustérien ont économisé le silex. On retrouve pratiquement jamais de nuclei plus gros que le poing. Abandonner des livres de beurre représentant des mètres linéaires de tranchant utile aurait été un nonsense.
Si une activité de taille de pierre à la manière pressignienne ne peut pas être définitivement rejetée, nous la considérons comme hautement improbable. Seules des preuves réunies par des archéologues certifiés dans une stratigraphie pourraient permettre de trancher la question. Les rumeurs entretenues par des amateurs en mal de reconnaissance capables d’introduire des objets exogènes dans des gisements connus ou de toute autre supercherie n’ont évidemment aucune valeur.