Pour conclure les précédentes observations sur la petite artillerie protégeant les forteresses rurales du Berry du sud, voici quelques indications sur l’artillerie employée lors du siège du château de Montrond, dans le centre de Saint-Amand, dans le Cher.
Propriété du prince de Condé, la vieille forteresse médiévale de Montrond n’était plus en mesure de soutenir un siège. Les progrès de l’artillerie exposaient ses hautes murailles à une destruction inévitable en cas de bombardement. Le prince de Condé, soucieux de préserver les qualités militaires de cette place-forte, la fit doubler d’un énorme dispositif de fossés et de bastions extérieurs selon un modèle qualifié de pré-Vauban, afin d’éloigner une canonnade adverse le plus loin possible des murs de la forteresse. Le prince dota le nouveau dispositif fortifié d’une artillerie de siège capable de répondre aux coups d’un agresseur.
L’ingéniosité du dispositif défensif couplé à la bonne organisation de la garnison permit à Montrond de tenir un siège de onze mois en 1751/1752. Démantelée après sa rédition, la forteresse de Montrond perdit définitivement toute valeur stratégique, avant d’être presque effacée du paysage après avoir été transformée en carrière de pierre. Lors des travaux il y a plus de trente ans furent trouvés un certains nombre de boulets de canon de trois modèles différents*.
Les plus abondants, dispersés dans les parties profondes du château et dans les remblais proches, étaient les plus lourds. D’un diamètre de 14,5 cms pour un poids de 12,3 kg, ils sont nettement plus gros que les deux autres modèles, plus rares:
-modèle “moyen”: diamètre 9 cms pour 2,8 kg;
-”petit” modèle: diamètre 5,5 cms pour 600 g.
Ces dimensions étaient une valeur moyenne prise sur plusieurs échantillons, après martelage pour éliminer la rouille et les inclusions de terre.
Je n’ai par contre conservé aucune note sur la présence de boulets de couleuvrine. La seule preuve dont j’ai conservé la trace est l’impact d’une grosse balle relevé sur un casque de type bourguignotte trouvé, au milieu d’un tapis de gros boulets, dans le fond de la citerne au pied du donjon. Ce casque est conservé au musée de Saint-Amand.
On peut émettre l’hypothèse que les plus gros boulets étaient destinés aux canons du prince de Condé. Leur diamètre correspond à des lourdes pièces d’artillerie. Leur abondance montre qu’ils n’ont pas été récupérés par les troupes royales après la chute de Montrond. On ignore ce que sont devenus les canons condéens, détruits sur place ou saisis par les vainqueurs.
D’un modèle plus léger et plus faciles à transporter, les deux autres munitions peuvent avoir été destinées à l’artillerie de campagne des troupes de Mazarin. Leur rareté s’explique peut-être par l’éloignement de la canonnade des murs de la forteresse grâce aux bastions extérieurs, peu de boulets ayant réussi à arriver jusqu’aux murs condéens.
Une observation inédite à ma connaissance. Lors du déblaiement d’un couloir proche de la tour dite ‘d’Orval” furent trouvés de nombreux fragments de soufre et de charbon de bois, indice de la présence sur place d’une armurerie disposant des ingrédients pour confectionner de la poudre à canon ou à mousquet, beaucoup moins dangereux à stocker que l’explosif lui-même.
*Ayant depuis 1982 rompu tout contact avec l’organisation qui gère le site, mes informations peuvent ignorer des découvertes plus récentes.